L’idée de ce blog est de construire une histoire de la rue Beautreillis comme si on voulait essayer de rebâtir un vieux mur effondré il y a longtemps. Sur le champ sont dispersées des pierres. Les plus grosses, les mieux taillées ont déjà été remontées et l’histoire de la rue, celle de son illustre origine et de ses plus anciennes maisons, est connue. Notre ambition sera donc de nous occuper des petites pierres et des fragments restés au sol pour tenter de les remettre à leur place entre les belles pierres du vieux mur.
Mais en guise d’amorce, il est utile de présenter en premier lieu, même sommairement, la rue Beautreillis en nous servant notamment des notices du dictionnaires de Félix et Louis Lazare, publié en 1855[1] et de celui de Jacques Hillairet, paru pour sa première édition en 1960[2], ainsi que de l’ouvrage de M. Lefeuve sur les anciennes maisons de Paris[3].
Située rive droite, dans le 4e arrondissement de Paris (anciennement 9e jusqu’en 1860) dans le quartier de l’Arsenal, elle a une orientation sud-ouest nord-est. Longue de 231 mètres, sa largeur, variable selon ses sections en raison d’un alignement inachevé, est de 8 à 10 mètres environ.
C’est en 1556 que fut percée la rue Beautreillis sur ce qui constituait le domaine de l’ancien hôtel Saint-Pol, sis entre le quai de Célestins, la rue du Petit-Musc, la rue Saint-Antoine et la rue Saint-Paul.
Dans cet espace acquis et construit par Charles V, entre 1360 et 1380 environ, un ensemble d’hôtels, de maisons et de galeries espacés de jardins et de ménageries logeaient le roi et sa cour.
Le domaine fut délaissé par ses successeurs dès le XVe siècle et au fil des ans, d’autres constructions vinrent remplacer les bâtiments royaux tombant en ruine. Ainsi l’hôtel Beautreillis (également appelé hôtel de Pissotte[4]), qui fut construit en 1519 à partir des débris des vieux palais et qui se composait « de plusieurs corps de logis, d’un jeu de paume, de cours, de jardins, le tout ouvrant sur la rue Saint-Antoine »[5]. Mais de piètre qualité et menaçant déjà ruine, il fut, avec l’ensemble de l’ancien domaine Saint-Pol, aliéné à partir de 1543 par François Ier, puis Henri II. La subdivision constituant l’hôtel Beautreillis fut lotie en 37 places et la rue ouverte pris naturellement le nom de l’ancien hôtel, qui le tirait lui-même d’ «une belle treille qui faisait le principal ornement » de son jardin[6].
La partie de la rue Beautreillis comprise entre les rue Charles V et Des lions-Saint-Paul, sans doute aliénée et lotie plus tôt, fut appelée d’abord rue du Pistolet au XVIIe siècle, en référence à une enseigne, puis rue Gérard Beauquet, du nom de l’un des acquéreurs des terrains de l’hôtel Saint-Pol. Par arrêté ministériel du 6 septembre 1838, la rue Gérard Beauquet fut réunie à la rue Beautreillis. Cette réunion eut comme conséquence importante la modification de la numérotation des maisons dans la partie nord de la rue à partir de la rue Charles V.
Les extraits de plans anciens de Paris ci-dessous illustrent les transformations successives.
Sur le plan de Braun et Hogenberg, daté d’environ 1572 mais présentant plutôt le Paris de 1530, aucune voie nouvelle n’est tracée dans le quadrilatère formant le domaine de l’hôtel Saint-Pol. A noter que la rue des Célestins située en haut est l’actuelle rue de Petit-Musc. On reconnait aussi l’ancienne église Saint-Paul, démolie sous la Révolution, et dont il reste un vestige à l’angle des rues Saint-Paul et Neuve-Saint-Pierre, et derrière, le cimetière Saint-Paul où se dresse aujourd’hui un gymnase. On peut aussi remarquer les jardins clos, avec leurs arbres entre la rue des Célestins, ou du Petit-Musc. L’axe approximatif de la future rue Beautreillis est représentée par une ligne rouge.
Sur le plan dit de Bâle, qui date d’environ 1552, ci-dessous, la rue Neuve-Saint-Pol (ou Saint-Paul), future rue Charles V, a été percée, séparant la partie en bord de Seine, où se trouvait l’hôtel du roi, du reste du domaine, et notamment de l’hôtel de la Reine. Sa position pourrait toutefois laisser penser que cette voie est vraisemblablement la rue des Lions, qui selon Hillairet, a remplacé une allée qui séparait l’hôtel du Roi de celui de la Reine[7].
Sur le plan de Belleforest, daté d’environ 1572, les rues Neuve-Saint-Paul et des Lions apparaissent toutes les deux, ainsi que la rue Gérard Beauquet, future partie sud de la rue Beautreillis, qui les relie au centre de l’ancien domaine Saint-Pol. La partie se prolongeant jusqu’à la rue Saint-Antoine n’apparait pas, bien qu’elle eût été percée et lotie en 1555.
Sur le Plan de paris en 1609, la physionomie du quadrilatère Saint-Pol est pratiquement celle d’aujourd’hui, hormis la présence de l’église Saint-Paul et de son cimetière et l’absence des rues Neuve-Saint-Pierre et de l’Hôtel-Saint-Paul, percées au début du XXe siècle.
[1] Félix et Louis Lazare, Dictionnaire administratif et historique des rues et monuments de Paris, deuxième édition, Paris, Bureau de la Revue municipale, 1855.
[2] Jacques Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris, Edition de Minuit, 1960.
[3] M. Lefeuve, Les anciennes maisons de Paris : histoire de Paris rue par rue, Paris, A. Faure, 1863-1865, 5 tomes.
[4] J. Hillairet, op. cit., p. 168
[5] M. Lefeuvre, op. cit ., p. 244
[6] F. et L. Lazare, op. cit.
[7] J. Hillairet, op. cit. T. 2, p. 48-49