Sous le nom de Gaspard Landau, j'explore l'histoire de ce bout du Marais qui, sur les bords de Seine, s'est érigé sur les fondations de l'ancien hôtel Saint-Pol.
A côté de cela, sous le nom d'Olivier Siffrin, je suis bibliothécaire à la Bibliothèque nationale de France.
Septembre 1902. Le vieil hôtel du 17-19 de la rue Beautreillis venait tout juste d’être démoli. Les fouilles archéologiques menées dans son ancien jardin par la Commission du Vieux Paris se terminaient à peine que les premiers travaux de construction de l’immeuble de rapport et de l’usine attenante furent lancés par le nouveau propriétaire de la parcelle, l’industriel Émile Mettetal[1].
Le fer, la pierre et la terre
Enrichi par le fer, c’est dans la pierre qu’Émile Mettetal assura une partie de sa fortune. Au cours des premières années du XXe siècle, l’industriel fit l’acquisition de terrains pour y faire construire des immeubles de rapport. Ainsi, en mai 1900, il demandait l’autorisation de bâtir un immeuble de 6 étages sur un terrain de 414 m² situé à l’angle de la rue Danton et de la rue Mignon, dans le 6e arrondissement[2], qu’il avait acquis par adjudication au prix de 331 200 francs[3]. En 1902, ce fut le tour de l’immeuble de la rue Beautreillis.
Vestige emblématique mais menacé de la rue Beautreillis, le portail de l’hôtel Raoul est en passe d’être sauvé. Cette victoire est l’aboutissement d’un combat mené depuis de longues années par Michel Cribier.
La sauvegarde du portail étant assurée, des efforts restent encore à faire pour mener à bien sa restauration complète, et Michel Cribier et l’Association Le Portail de l’hôtel Raoul sollicitent l’aide de celles et ceux qui sont attachés à la rue Beautreillis et son quartier, et au-delà à Paris, son histoire et ses monuments.
Je relaie ci-dessous l’appel de Michel Cribier.
Gaspard Landau
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Chers amis du portail de l’Hôtel Raoul,
Dans le passé vous avez témoigné de l’intérêt pour cet intrigant portail, seul vestige de l’hôtel particulier qui se dressait rue Beautreillis. L’Hôtel de Jean-Louis Raoul bâti dès 1604, un des tout premiers ayant adopté ce plan « entre cour et jardin » a été aussi l’un des derniers démolis, au début des années 60, avant que la loi Malraux ne protège le Marais. Seul son portail a échappé à la destruction, mais orphelin, laissé à l’abandon, il fait aujourd’hui bien triste figure.
Suivant le vœu unanime du Conseil de Paris, l’association « Le Portail de l’Hôtel Raoul » s’en est portée acquéreur, a recueilli compétences et devis, et va recevoir une subvention de la Ville de Paris et de la municipalité de Paris Centre qui permet désormais d’engager la phase de restauration.
Cette restauration aura une dimension pédagogique. Les élèves du Lycée Hector Guimard (Paris 19e) sont en effet partie prenante du travail de maçonnerie et du suivi du chantier, tandis que ceux de l’École Boule sont sollicités pour la partie huisserie.
Une fois restauré, et assorti de panneaux retraçant la riche et longue histoire de ce coin de Paris, le portail deviendra un véritable « sémaphore historique » du patrimoine architectural du Marais.
Il sera alors cédé à la Ville qui l’entretiendra pour les temps futurs.
Des fonds supplémentaires sont toutefois nécessaires pour finaliser ce projet et c’est pourquoi je me permets de vous solliciter. Vos dons, bénéficiant d’une réduction d’impôt (66%), sont à verser par chèque à l’ordre de l’Association ou par un versement à l’adresse suivante :
Pour célébrer le début de la campagne de restauration, une « Fête du Portail » se tiendra le dimanche 4 juin (14h-17h) devant le portail, 6 rue Beautreillis Paris 4e. Vous y êtes tous attendus.
Bien cordialement,
Michel Cribier
Président de l’association Le Portail de l’Hôtel Raoul. 15, rue du Petit-Musc F-75004 Paris Courriel : Michel@Cribier.net
Le passage Saint-Pierre en 1867, dans sa partie menant à la rue Saint-Paul (gravure de Alfred Alexandre Delauney, Musée Carnavalet).
Les articles publiés précédemment sur l’histoire du passage Saint-Pierre et sa transformation dans le premier quart du XXe siècle ont montré en quoi cette opération, longtemps réclamée par les édiles du quartier, visait à éradiquer l’insalubrité grandissante des bâtiments qui le bordaient. Ce qui toutefois précipita et accéléra la mise en œuvre des travaux d’élargissement des deux voies formant le passage ainsi que le dégagement de leur accès vers les rues Saint-Antoine et Saint-Paul fut sans aucun doute la décision prise en 1912 de reconstruire sur un modèle moderne et fonctionnelle l’école primaire de garçons établie là depuis 1845.
Mais les nouvelles rues Neuve-Saint-Pierre et de l’Hôtel-Saint-Paul qui succédèrent à l’ancien passage témoignent encore aujourd’hui d’une opération qui ne fut commandée par aucun véritable projet d’aménagement. Paradoxalement l’impression d’inachèvement que l’on observe résulte sans doute d’une destruction trop limitée et mal pensée du bâti existant. L’espace dégagé, trop réduit par endroit, resta inexploitable pour des reconstructions. En particulier la partie de la rue Neuve-Saint-Pierre qui la prolonge vers la rue Beautreillis, obtenue par la démolition d’un ancien hôtel, sans empiètement sur les parcelles voisines, ressemble encore aujourd’hui, comme hier, à une brèche restée en l’état.
L’aile gauche de l’hôtel, en cours de démolition en 1902 (BHVP – 4-EPT-0178).
La mort le 1er mai 1899 de son propriétaire[1], le vicomte de Flavigny, allait entraîner la disparition rapide de l’hôtel du 17-19 rue Beautreillis. Le vieil aristocrate avait jusque-là su préserver l’ancienne maison. Mais en un siècle, le quartier avait perdu son caractère résidentiel au profit des entreprises artisanales et industrielles qui, progressivement, prenaient possession des vieilles demeures. Certes, Flavigny avait concédé l’ouverture de boutiques sur la rue et quelques surélévations, mais les grands appartements de l’hôtel continuaient d’être occupés par des locataires aisés et l’intégrité du jardin de l’hôtel, l’un des derniers subsistant dans le quartier, avait été sauvegardée.
Le passage Saint-Pierre, aujourd’hui disparu, nous est essentiellement connu grâce à des photographies prises à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Témoignages essentiels de l’état du passage au moment où on entreprenait sa démolition, elles nous ont permis d’illustrer son histoire dans une série d’articles publiés sur ce site[1].
Au cours du XIXe siècle, peintres et dessinateurs avaient eux aussi pris le passage Saint-Pierre comme sujet, notamment Jules-Adolphe Chauvet (1828-1898), et en particulier le fameux passage voûté par lequel on pénétrait autrefois dans le cimetière Saint-Paul. Il était placé à la rencontre des deux ruelles qui, venant l’une de la rue Saint-Antoine et l’autre de la rue Saint-Paul, formaient en équerre le passage Saint-Pierre. Après la désaffection du cimetière et la démolition de l’église Saint-Paul durant la période révolutionnaire, le passage voûté, surmonté d’une maison, était devenu au milieu du XIXe siècle l’entrée du grand lavoir construit sur le terrain de l’ancienne nécropole.
Au cours d’une visite au Musée des Beaux-arts de Rouen, un lecteur et ami[2] a remarqué ce tableau d’Etienne Bouhot[3] représentant l’intérieur du passage voûté, nous offrant ainsi l’occasion de le présenter pour compléter nos connaissances sur l’ancien passage Saint-Pierre. Le tableau est intitulé Vue du cloître de l’église Saint-Paul à Paris, et il est daté sur son cartel : « vers1830 ».
Pour passer l’été, nous proposons ce petit conte, paru dans le journal satirique Le Philosophe dans son numéro du 23 octobre 1867. Il est signé par un certain A. Brun, auteur dont nous ne savons rien. S’il relate une histoire qui se serait déroulée rue Beautreillis, on ne trouve nulle part ailleurs trace de ce charmant récit. Il semble bien être sorti tout droit de l’imagination de son auteur, mais il dresse aussi, à sa façon, le tableau d’une sociabilité disparue. C’est avec plaisir que nous proposons cet intermède.
Vue du jardin et de la façade arrière de l’hôtel peu avant les démolitions. Mais qui est donc ce vieil homme qui, assis sous les arbres, semble contempler ce qui bientôt va disparaître ? (Photo BHVP 4-EPN-00166).
Côté jardin.
Traversant le corps de bâtiment sur cour, un « long et large couloir […] qui n’[avait] pas moins de 14 mètres » conduisait vers le jardin du vieil hôtel des 17-19 rue Beautreillis alors sur le point d’être démoli[1]. Si le plan parcellaire de la première moitié du XIXe siècle révèle l’agencement de nombreuses pièces en rez-de-chaussée et la présence d’un puits, on y note pourtant aussi l’absence de ce couloir dont la sortie côté jardin est bien visible sur les photographies prises au début du XXe siècle.
Dans la cour de l’hôtel, partie de l’aile droite et de l’arrière du bâtiment sur rue (BHVP).
Louis-Philippe-Gustave de Flavigny Renonsard, fils du vicomte Louis-Ange de Flavigny Renonsard (1785-1867), un ancien capitaine de cuirassiers sous la Restauration, chevalier de Malte et de la légion d’honneur, et de Isidore-Marie-Félicité-Joseph Walsh de Serrant, était né à Paris en 1815[1]. Rentier vivant de ses biens, notamment à Mareuil-le-Port, dans la Marne, et en Picardie, il habitait rue Godot-de-Maurois, près de la Madeleine, et c’est là qu’il mourut en 1899[2].
Devenu propriétaire des hôtels réunis des 17 et 19 rue Beautreillis en 1868[3], le vicomte de Flavigny n’allait pas apporter de grandes transformations à son nouveau bien. La vieille maison resta jusqu’à la fin du siècle essentiellement un immeuble de rapport dont les vastes appartements occupés par des locataires aisés ne furent pas divisés en multiples logements destinés à une population ouvrière plus précaire. Même le jardin de la propriété, qui aurait pu disparaître avec la construction de nouveaux bâtiments et ateliers, à l’instar de ce qu’il advenait le plus souvent de ces terrains libres, fut respecté et sauvegardé. Le vicomte de Flavigny refusa même que le sol du jardin, qui occupait l’emplacement de l’ancien cimetière Saint-Paul, puisse être sondé par les curieux qui recherchaient la tombe du Masque de fer : « Laissons dormir les morts », disait-il[4].
Dans le fonds de la Médiathèque Pierre Fanlac, à Périgueux, parmi une riche collection de documents portant sur la gastronomie et les arts culinaires, pour certains consultables sur Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF, on trouve le mystérieux menu reproduit ici.
Mystérieux car nous ne savons pas qui est celui qui fit à ses invités l’honneur de ce repas, ni à quelle date il eut lieu, sinon que c’est sans doute au XIXe siècle, et après 1847. L’imprimeur du menu, Raffy, était installé rue de Turenne.
Les mets annoncés, on le voit immédiatement, sont d’abord une évocation explicite de notre quartier. Se succèdent au gré des plats les noms de rues, Charles V, Beautreillis, Petit-Musc, Jardins-Saint-Paul ; d’hôtel, celui, aujourd’hui disparu, de La Vieuville ; de monuments, l’Arsenal ou les Célestins. Mais ici et là aussi, des noms qui sont peut-être ceux des invités de ce repas, personnages qu’il est difficile aujourd’hui d’identifier. Ce Genouilhac est-il cet Henri Gourdon de Genouilhac (1826-1898) qui publia en 1860 un Recueil d’armoiries des maisons nobles de France, mais aussi des romans populaires et des pièces de théâtre ? Ce comte d’Aucourt est-il l’auteur du livre sur les Anciens hôtels de Paris, ceux de la rive gauche, paru en 1880 ? Celui qui invitait ainsi ses amis, et qui probablement habitait le quartier, était-il lui aussi un homme de lettres ?
La façade sur rue de l’hôtel du 17-19 rue Beautreillis et son porche en 1902, peu avant sa démolition (Phot. BHVP).
L’immeuble qui nous occupe ici dénote parmi ceux qui composent la rue Beautreillis. Construit dans un style post-haussmannien avec ses balcons en encorbellement soutenus par des consoles à volute et ses linteaux ornés de guirlandes végétales, il se singularise de ses voisins, qu’ils soient hôtels du XVIIIe siècle, immeubles de rapport bâtis sous la Restauration, ou constructions plus tardives et modernes aux sobres façades. La fin tragique dans ses murs du chanteur des Doors, Jim Morrison, en 1971, a par ailleurs conféré à cet immeuble une aura qui depuis perdure dans le monde entier et a transformé son pas de porte en étape obligée du parcours mémoriel que l’artiste disparu continue de susciter à Paris.