Brèves de quartier… La rue Neuve-Saint-Pierre et l’ancien passage Saint-Pierre. 8 – L’école communale, d’un siècle à l’autre (ajouts)

image 6Nous pensions être enfin sortis de l’école de la rue Neuve-Saint-Pierre, mais la lecture de la presse à la recherche d’autres histoires nous a fait trébucher sur des évènements qu’il aurait été dommage de ne pas relever. Le modernisme de cette école inaugurée le 24 janvier 1924, avec notamment ses douches et son cabinet médical, avait été remarqué, et la presse, on l’a vu, s’en fit l’écho, suggérant qu’il faudrait « désormais, s’inspirer de toutes les réalisations heureusement faites rue Neuve-Saint-Pierre quand on créera de nouvelles écoles dans d’autres quartiers »[1].

Gymnastique.

Le 17 mai 1925, un peu plus d’un an après l’inauguration du bâtiment, une autre cérémonie rassemble sous la présidence de M. Florent-Matter, conseiller municipal du quartier, de « nombreuses personnalités du monde de l’enseignement et des milieux sportifs » pour l’inauguration à l’école de garçons de la rue Neuve-Saint-Pierre du « premier stade scolaire installé dans le centre de Paris »[2]. Sans doute construit sur la partie du terrain libérée par la démolition de l’ancienne école, ce stade se compose d’une large piste au centre de laquelle se dessine un « vaste rectangle, ou plateau. Au fond du terrain, à droite et à gauche, les agrès : portiques d’où pendent cordes et perches, sautoirs, échelle simple qui peut être apposée à un mur, barres de suspension, mât horizontal, barres de fer, sacs de sable, gueuses de fonte, pavés de bois »[3].

Au cours de la cérémonie, les participants assistent à une démonstration de la méthode d’éducation physique, dite « méthode naturelle ». Son promoteur, Octave Forsant, inspecteur des écoles primaires du 4e arrondissement, « apôtre de l’éducation physique », prêche que la « pédagogie, fondée sur la connaissance de l’enfant, doit présider à tous les exercices scolaires, même aux exercices du corps ». Aux anciennes méthodes alliant flexions et extensions dans un ordre rigide rythmé de phases d’immobilité, il oppose des pratiques adaptées au naturel besoin d’actions et de mouvements propre aux enfants. Forsant estime que l’école n’est « ni une caserne, ni un laboratoire de physiologie » et assure que sa méthode naturelle est « assez simple pour que l’instituteur de la classe puisse enseigner la culture physique aussi bien que l’hygiène ou la morale ».

Ce 17 mai, sous la direction de leur instituteur, une quarantaine de garçons «se déshabillent en vitesse dans le préau, chaussent des espadrilles à semelles de corde et passent un caleçon de bain. […] Un coup de sifflet très doux ; et l’on se groupe par sections, forts, moyens, plus faibles, et non par rang de taille. L’instituteur en tête, à droite ».[4]

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Pollution

Dans l’ancien passage Saint-Pierre, une école à l’architecture moderne où sont mises en œuvre des méthodes d’éducation innovantes a pris la place du vieil établissement construit durant la Monarchie de Juillet. Dans son cadre élargi et débarrassé de ses anciennes maisons, la nouvelle rue Neuve-Saint-Pierre ne s’inscrit pas moins dans le tissu urbain du Marais hérité du XIXe siècle qui caractérise les secteurs ayant échappé aux tracés niveleurs des boulevards haussmanniens. Les rues, et notamment celles de notre quartier de l’Arsenal, restent un enchevêtrement de maisons aux logis plus ou moins insalubres et aux cours encombrées d’ateliers. Çà et là, de véritables usines employant des ouvriers par dizaines sont insérées au cœur des îlots.

Parmi tous les journaux qui ont célébré les qualités de la nouvelle école lors de son inauguration en janvier 1924, beaucoup se sont aussi félicités de la destruction de l’étroit et insalubre passage Saint-Pierre. Mais un seul a porté son regard au-delà des quelques maisons abattues. Dans L’Œuvre du 3 octobre 1923[4], un journaliste, tout en portant un jugement favorable au « bel immeuble en voie d’achèvement », s’étonne du choix de l’emplacement de l’école…

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Tout à côté de la toute nouvelle école se trouve en effet l’usine de métallurgie Mettetal, dont les ateliers s’élèvent à l’arrière de l’immeuble post-haussmannien construit au début du XXe siècle au n° 17-19 rue Beautreillis. Nous aurons l’occasion de revenir sur cet établissement industriel, l’un des plus importants du quartier.

En pointant les nuisances de l’environnement pour les habitants et les enfants, le journaliste de L’Œuvre est bien le seul parmi ses confrères à ternir par ses mots l’éclat des faïences de la belle façade de la nouvelle école de l’ancien passage Saint-Pierre.

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[1] Le Petit Journal, 25 janvier 1924.

[2] La Presse, 18 mai 1925.

[3] Le Temps, 15 juin 1927.

[4] Le Temps, 15 juin 1927. Je me permets de me servir du récit d’un journaliste assistant en 1927 à un cours d’éducation physique à l’école de la rue Neuve-Saint-Pierre pour imaginer celui mis en démonstration lors de l’inauguration de son stade deux ans plus tôt.

[4] Consultable dans Gallica, comme l’ensemble des articles des journaux cités ici.

Auteur : Gaspard Landau

Sous le nom de Gaspard Landau, j'explore l'histoire de ce bout du Marais qui, sur les bords de Seine, s'est érigé sur les fondations de l'ancien hôtel Saint-Pol. A côté de cela, sous le nom d'Olivier Siffrin, je suis bibliothécaire à la Bibliothèque nationale de France.

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