Le passage Saint-Pierre, aujourd’hui disparu, nous est essentiellement connu grâce à des photographies prises à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Témoignages essentiels de l’état du passage au moment où on entreprenait sa démolition, elles nous ont permis d’illustrer son histoire dans une série d’articles publiés sur ce site[1].
Au cours du XIXe siècle, peintres et dessinateurs avaient eux aussi pris le passage Saint-Pierre comme sujet, notamment Jules-Adolphe Chauvet (1828-1898), et en particulier le fameux passage voûté par lequel on pénétrait autrefois dans le cimetière Saint-Paul. Il était placé à la rencontre des deux ruelles qui, venant l’une de la rue Saint-Antoine et l’autre de la rue Saint-Paul, formaient en équerre le passage Saint-Pierre. Après la désaffection du cimetière et la démolition de l’église Saint-Paul durant la période révolutionnaire, le passage voûté, surmonté d’une maison, était devenu au milieu du XIXe siècle l’entrée du grand lavoir construit sur le terrain de l’ancienne nécropole.

Au cours d’une visite au Musée des Beaux-arts de Rouen, un lecteur et ami[2] a remarqué ce tableau d’Etienne Bouhot[3] représentant l’intérieur du passage voûté, nous offrant ainsi l’occasion de le présenter pour compléter nos connaissances sur l’ancien passage Saint-Pierre. Le tableau est intitulé Vue du cloître de l’église Saint-Paul à Paris, et il est daté sur son cartel : « vers 1830 ».
Suite aux recherches menées sur ce tableau, nous avons pu trouver une autre version qui diffère par les personnages représentés. Il est daté de 1824 d’après le site de vente où il figure.

Il nous a semblé intéressant de mettre en perspective ce tableau d’Étienne Bouhot avec les photographies, prises en 1910, de ce même passage voûté du passage Saint-Pierre.
Situons une nouvelle fois les lieux. D’abord la position du passage voûté dans le passage Saint-Pierre sur le plan parcellaire Vasserot et Bellanger (1830-1850)…

… Puis un plan plus rapproché du même passage voûté, avec les angles des points de vue des différentes illustrations présentées dans ce billet pour aider à leur lecture et à la restitution des lieux.

La représentation de l’intérieur du passage par Bouhot, si on la compare à ce que révèlent les photographies de 1910, est très exacte et nous montre que l’endroit est resté le même tout au long du siècle. Certes, la hauteur de la voûte en berceau a été un peu exagérée par le peintre, mais les caissons en lambris qui ornent son plafond et qui étaient encore présents au moment de sa destruction, sont bien restitués. La croisée d’ogives qui apparaît au premier plan de la peinture correspond à la voûte de la partie du passage, sorte de vestibule, où se situait l’entrée formée par un porche en plein cintre.

Au fond, la porte ouverte sur une pièce, dans laquelle le peintre a représenté un personnage, existait toujours en 1910, et les autres ouvertures sur le mur droit ainsi que la grille qui donnait accès au cimetière jusqu’à la fermeture de celui-ci correspondent également. On remarquera sur le tableau la lanterne qui, à l’angle, devait éclairer un lieu bien sombre la nuit. Près de cent ans après Bouhot, les pavés, usés, ont sans doute été en partie remplacés, non sans mal. Et en 1910, le ruisseau des eaux sales ne coulait plus au milieu de la voie mais empruntait les semblants de caniveaux formés par l’ajout d’étroits trottoirs, faute d’égouts qui jamais ne furent construits, conférant au passage Saint-Pierre la réputation d’insalubrité qui justifia sa destruction.


[1] 23 articles parus entre le 1er mai 2018 et le 10 octobre 2020 sous le titre Histoire de quartier… La rue neuve-Saint-Pierre et l’ancien passage Saint-Pierre.
[2] Un grand merci à Frédéric Le Du, lecteur fidèle et attentif.
[3] Étienne Bouhot (Bars-Lès-Epoisses, 1780-Semur-en-Auxois, 1862), après une formation de peintre décorateur, travailla sous l’Empire aux décors du palais des Tuileries et à ceux des palais de Plessis-Chamant et de

Mortefontaine. Il entra en 1808 dans l’atelier de Pierre Prévost, un des grands peintres de panoramas. Bouhot trouva le succès avec ses peintures d’architecture et de monuments, ses scènes de rue et d’intérieur marquées de précision. Plusieurs fois médaillé au Salon, il travailla avec Boilly, et comme lui, laissa dans ses tableau une image réaliste du Paris et des Parisiens des premières décennies du XIXe siècle. Retiré à partir de 1834 à Semur-en-Auxois, où il dirigea l’école de dessin et fonda le musée des beaux-arts, Bouhot participa au côté de Viollet-Le Duc à la restauration de l’église Notre-Dame de Semur en exécutant des peintures murales.
Sur Étienne Bouhot, voir Ligeret du Cloiseau, Notice historique sur la vie et les travaux d’Etienne Bouhot, Semur, M. Migniot, 1854 ; Émile Bellier de La Chavignerie, Dictionnaire général des artistes de l’École française…, 3 tomes, Paris, Renouard, 1882-1885, T. 1, p. 185. ; AKL / Allgemeines Künstlerlexikon online. Voir aussi le site Talking Interior Design qui présente de nombreux tableaux de Bouhot.
Merci Gaspard !
Encore un article très intéressant sur ce quartier que j’ai malheureusement quitté…
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J’ai acheté une copie de ce tableau il y a quelques années…
Merci pour cette intéressante comparaison et votre pertinente analyse.
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Après toutes ces précisions, images, plans et évocations des lieux, je ne passerai plus rue Neuve Saint-Pierre sans pratiquement « voir » ce passage disparu.
Ça donne aussi envie de faire le voyage à Semur-en-Auxois pour en savoir plus sur ce peintre Bouhot qui nous rappelle Boilly avec ses vues de Paris si pittoresques, si vivantes qu’on est transporté deux cent ans en arrière.
Bravo et merci de toute cette recherche.
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